Le lendemain matin nous sommes tous un peu fatigués, pour ne pas dire « sur les rotules ». Nous discutons du parcours avec les guides. Nous nous mettons d’accord pour faire une petite marche le matin, en direction du glacier qui s’étend au pied du Deo Tibba puis nous redescendrons l’après-midi pour rejoindre le 4ème et dernier campement. Nous serons alors à environ 2 600 m.
La petite marche du matin est très agréable. Une fois encore il nous faut traverser un petit cours d’eau. Nous passons près d’un arbre dont l’écorce servait jadis de support pour écrire et conserver les textes sacrés. J’ai déjà vu effectivement des manuscrits anciens jaïns écrits sur ce type de support. Nous rencontrons de nouveau le troupeau de moutons, celui-là même parmi lequel nous nous étions permis de faire un prélèvement. L’herbe n’est pas haute à la saison, c’est pourquoi les troupeaux parcourent de longues distances. Le versant qui se trouve en face de nous est encore enneigé du fait de son exposition. Suresh nous indique l’endroit où il s’était retrouvé un jour nez à nez avec un ours. Il avait demandé aux touristes qu’il accompagnait de se mettre derrière lui et il avait fait face calmement. L’ours a fini par partir (une devinette en passant : un seul animal attaque sans raison. Savez-vous lequel ? Réponse : l’Homme). Il n’empêche que nous aurions bien aimé voir un ours, enfin de loin … Suresh a pris ses jumelles mais il n’a rien vu. L’ours dort dans la journée et il vit de toute façon à l’écart des hommes.
Comme prévu, nous sommes revenus sur nos pas assez rapidement et nous avons entamé la descente. Les mollets et les genoux ont été mis à rude épreuve une fois encore. En fin de parcours nous avons marché dans la forêt en enjambant les racines des arbres et les rochers. C’est aussi l’intérêt d’un tel trek, les terrains sont variés et il faut savoir s’adapter. Puis nous avons atteint notre dernier campement assez tôt dans l’après-midi. Nous étions alors à 2 600 m au lieu-dit Uchai Vîhai. Nous avons eu un peu de pluie en soirée et dans la nuit.
Au cours du 5 ème et dernier jour notre but est de redescendre dans la vallée jusqu’à Manali. En début de parcours, nous sommes amenés à traverser un barrage encore en cours d’aménagement. L’ouvrage jure et constitue même une tâche au milieu de toute cette nature quasi immaculée. Dans cette immensité, c’est une petite concession accordée au progrès, il est vrai que l’Himachal Pradesh peut produire son électricité grâce aux nombreux cours d’eau qui dévalent les pentes et confèrent généreusement leur énergie. Il nous faudra marcher environ 6 heures. Hormis une seule montée assez abrupte, le parcours est à peu près plat jusqu’au dernier versant où nous effectuons la dernière descente. Le sentier tout au long de la première partie du parcours n’est pas du tout évident. Il courre à flanc de montagne. Les branches d’arbustes nous gênent côté droit. Côté gauche c’est le vide. Gérald prélève un peu de neige dans un petit flacon. Il veut rapporter un souvenir. Plus loin, nous rencontrons encore des moutons et des chèvres. Jacqueline et Geneviève en profitent pour prendre dans leurs bras et cajoler un chevreau. Nous apercevons un énorme vautour de l’Himalaya qui se pose au faîte d’un arbre avant de reprendre son vol majestueux.
Nous commençons à voir la ville de Manali entre les arbres et les klaxons et l’animation urbaine commencent à se faire entendre. Nous avons quand même un petit pincement au cœur alors que nous quittons la montagne. Mais nous reviendrons, c’est sûr. Tashî parlait peu mais en ce dernier jour il nous a fait une confidence. Quand il était encore enfant, il avait fait une sortie avec l’école et c’est en cette occasion qu’il s’est pris de passion pour la montagne et la nature. Il n’a plus jamais quitté ce milieu, il en a fait son métier en accompagnant des treks autour de Manali et jusqu’au Ladakh.